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Nos forêts, victimes silencieuses de l’urgence climatique

Pour ceux qui doutent encore du réchauffement climatique, je les invite à se rendre en forêt et à lever les yeux. La forêt française souffre. Aucune essence n’est épargnée. Le changement climatique modifie le milieu de vie des arbres et affecte directement les forêts. Sensibilité à la sécheresse et aux incendies, augmentation des crises sanitaires : le dépérissement des forêts s’accentue d’année en année. Les crises s’accélèrent et ne laissent pas le temps aux écosystèmes forestiers de réagir.

 

Le mal invisible qui ronge

Le changement climatique nous plonge aujourd’hui dans l’urgence. Des images spectaculaires nous confirment l’inexorable déclin des richesses naturelles mondiales. Loin de la banquise, la forêt française souffre aussi, mais, en silence. Les forestiers sont inquiets. Le dérèglement climatique est un fléau insidieux qui frappe lentement les forêts. Chaque épisode caniculaire apporte son lot de crises sanitaires inédites ou contribue à la sécheresse de parcelles qui deviennent la proie d’incendies.

Du jamais vu

La présence de parasites et le dépérissement font partie de la vie de la forêt. Mais avec le changement climatique, les attaques se répètent de plus en plus, se cumulent, s’accélèrent. La crise actuelle, conséquence de l’été dernier, est sans précédent. Et l’été qui s’annonce ne va pas améliorer les choses.

 

Les scolytes attaquent par exemple les épicéas dans l’Est du pays. Ces petits coléoptères creusent des galeries sous l’écorce des arbres, ce qui coupe la circulation de la sève. L’arbre infesté dessèche alors sur pied. Le scolyte typographe et le scolyte chalcographe s’attaquent respectivement aux peuplements adultes et aux jeunes arbres. En période normale, l’épicéa émet de la résine qui peut faire échouer l’attaque des scolytes. Mais lorsque les arbres sont affaiblis (sécheresse, tempête…) ou lorsque les insectes sont trop nombreux, les épicéas ne peuvent enrayer les attaques.

Maladies et invasifs n’épargnent pas les autres essences. Le scolyte pourrait aussi affecter certains sapins. Même le douglas, réputé peu affecté par les maladies, voit ses jeunes plants dévorés par l’hylobe et subir les attaques de champignons comme les rouilles. Les épisodes caniculaires décuplent la prévalence de maladies comme la suie de l’érable sycomore, la chalarose du frêne, ou des invasifs comme le lépidoptère bombyx pour le chêne. Les chenilles processionnaires attaquent les pins et les chênes, dévorent leurs aiguilles et leurs feuilles. Ces chenilles sont urticantes, allergisantes et provoquent un problème de santé publique, notamment à proximité de Nancy. Avec le changement climatique, les périodes de pullulation se rapprochent de plus en plus et les arbres n’ont plus le temps de se refaire une santé.

 

Les forestiers s’adaptent

Les forestiers gèrent les crises dans l’urgence permanente. Ils doivent souvent réaliser des coupes imprévues et dictées par la nécessité sanitaire. Les bois issus de ces coupes inondent le marché et ne trouvent pas forcément preneur. Pour les propriétaires forestiers, qui doivent financer ensuite le reboisement et/ou l’adaptation des peuplements aux changements climatiques, la situation se tend. Remplacer un peuplement condamné avec de nouvelles essences relève parfois du parcours du combattant. Et au moment de décider comment reboiser, là encore, on ne sait pas forcément quoi faire. Chercheurs et experts tâtonnent encore. Des questions n’ont pas de réponses définitives. Comment évoluent les maladies ? Quelle est leur sensibilité au froid ou à la pluie ? Comment faire un choix d’essences éclairé ? Comment diversifier les parcelles ? Quel volume sur pied sera idéal dans les futures conditions climatiques ?

Il est à mon avis crucial aujourd’hui de ne pas céder à la tentation du repli sur soi. Nous faisons front commun, partageons nos retours d’expérience (positifs ou non) et développons ensemble des pistes d’actions pour protéger la forêt. Les forestiers cherchent à s’adapter au mieux pour sauver la forêt en faisant leurs meilleurs efforts pour favoriser le mélange des essences toujours adaptées à la station. Pour preuve, il n’y avait, à la fin du printemps, plus aucun plant disponible pour les reboisements.

 

La forêt, un levier pour l’avenir

Face aux incertitudes et grâce à l’observation des sols et des climats, les forestiers proposent des solutions sur mesure pour prendre soin de leurs parcelles. Bien sûr, personne ne peut prédire précisément quelles conséquences nos choix sylvicoles d’aujourd’hui auront sur l’avenir. Et il en a toujours été ainsi ! Depuis toujours, la forêt est aussi notre solution. Rappelons-nous qu’elle est le second réservoir de biodiversité, qu’elle améliore la qualité des eaux, qu’elle capte une part importante de nos émissions carbone et qu’elle atténue le changement climatique. En poursuivant nos efforts de structuration de la filière bois, et l’engagement des citoyens, nous pourrons compter sur le renouveau des produits bois dans la construction, dans la grande consommation, et poursuivre notre travail d’innovation dans la chimie du bois, par exemple.

Notre force réside dans nos habitudes de forestiers, imaginer la forêt dans une centaine d’années et préserver cette ressource qui contribue à protéger la planète.

 

Le label Bas-Carbone : une bouffée d’oxygène

Un arrêté ministériel de Novembre dernier reconnait au propriétaire forestier la possibilité de stocker du C02 en forêt. Les entreprises ont désormais la possibilité d’améliorer leur empreinte carbone en finançant des travaux forestiers. Concrètement, l’administration (via le CNPF) délivre au propriétaire volontaire un certificat précisant le volume de carbone stocké sur 30 ans grâce à son projet. Le propriétaire se rapproche alors d’une entreprise volontaire pour financer ce « crédit carbone ». Au bout de 5 ans, un audit indépendant est effectué pour confirmer que les engagements de départ ont été honorés.

Ce système qui se met en place nous semble très vertueux et permettra aux forestiers d’investir … d’autant que les entreprises prêtes à s’engager sont nombreuses !  Nous avons besoin d’elles pour sauver la forêt française.

 

Pierre Aussedat

 

 

Appel à témoin :

  • Vous êtes propriétaire et vous souhaitez échanger sur vos expériences sylvicoles.
  • Vous êtes une entreprise et vous envisagez de financer des crédits carbone.
  • Vous êtes un particulier et vous souhaitez améliorer votre forêt avec de nouveaux financements.
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